La Phrase.
" Dis donc, tu dois être le plus chanceux des hommes toi " s'était amusé Dieu à écrire dans la chair de ta chair.
Est-ce qu'il y croit ? Il ne se sent pas vraiment le choix. C'est à cause de ce type de phrase que ses parents se sont séparés. Il a donc vu le pouvoir de ces phrases. On peut même dire qu'il le craint.
Il ne cherche pas l'âme sœur, car il est persuadé, à tort, de l'avoir rencontré mais de ne pas être son âme sœur à elle.
En plus, c'est une phrase nulle. Il est l'être humain le plus malchanceux de l'univers, alors bon. Nul.
CaractèreEdward Edwards n'est pas un homme chanceux.
Quand il s'agit de jouer au loto, il remplit toujours les bons numéros à un chiffre près. Il trouve un insecte dans son sandwich. Il marche dans la crotte qu'un chien vient de faire juste devant lui. Quand une gouttière déborde, c'est systématiquement sur sa tête. Les caisses ferment juste devant lui. Bref. Ce n'est pas un homme chanceux.
Cet état de fait à eu un profond impact sur la psyché du jeune homme. Il est apathique. Mou. Triste. Non, triste n'est pas forcément le mot. Il n'est pas activement triste. Il vit juste dans une sorte de squaleur. Son plat n'est pas mauvais en tant que tel. Il n'est juste pas activement bon. Il n'a donc pas la motivation pour chercher les bonnes choses de la vie.
Sa seule lueur, dans un quotidien de misère financière et de petits tracas, ce sont ses chiens. Il en a trois. Woofus le Boston Terrier, Barklcide Dogue Allemand et Borkley le Bulldog Anglais. Ce sont les seuls êtres capables de lui tirer un sourire.
Alors que les humains, eux, n'ont droit qu'au mieux à une indifférence froide ou, au pire, à une agressivité à peine voilée. Ce n'est pas qu'il n'aime pas les gens. C'est juste qu'il n'aime pas le bonheur. Il n'aime pas les gens qui ont de la chance. Jaloux peut être.
Mais il ne faut pas plaindre Ed. Il y a bien longtemps qu'il a décidé de vivre dans cette étroite bande entre le bonheur et le malheur.
HistoireOn me demande souvent quand est-ce que j'ai su que j'allais avoir une vie de merde. Quel a été l'élément déclencheur, la mauvaise fée qui s'est penchée sur mon berceau pour me maudire.
Souvent, je réponds que c'est une tasse de café.
Je m'explique. Mon père m'a toujours raconté comment ça s'est passé. Quand je suis né, l'infirmière, fatiguée de sa longue journée, s'est trompée de ligne pour inscrire mon nom. Au lieu de m'inscrire Hugh Edwards, comme ce qu'avait prévu mes parents, elle écrivit deux fois mon nom de famille. Bien sur, pas bête, elle se rendit compte tout de suite de la bourde. Malheureusement, avant de la corriger, on lui proposa une tasse de café. Elle était fatiguée, donc elle dit oui. Elle s'occuperait de sa bourde après.
Sauf qu'une aide soignante a ramassé le papier, pensant aider sa collègue. Qui du coup oublia totalement cette histoire.
Et du coup, je m'appelle Edward Edwards. Et c'est nul.
Parfois, je réponds que c'est à cause de ces phrases gravées sur les bras.
Je m'explique. Mon père fait partie de ces gens qui n'ont pas de chance. Pleine puberté, la phrase qui grandit, qui s'embellit. Et un jour. Un réveil. Une horreur. Plus rien. Jamais il n'a su ce qui s'est passé. Peut être qu'il ou elle s'est fait écraser en traversant la rue. Peut être qu'il ou elle s'est faite manger par un ragondin. On le saura jamais hein. Mais c'est pas grave. Y'a plein de gens qui vivent sans rencontrer leur âme sœur. Papa l'a toujours pris avec philosophie. Au moins, c'était un couperet de moins sur la tête. Et puis ça n’empêche pas de tomber amoureux.
Je suis sur que lui et maman se sont aimés. Elle, elle avait encore sa phrase, mais elle s'en foutait. Elle était amoureuse de papa. Ils ont eu un enfant. Moi. Jamais rien aurait pu briser ça hein. Hein ? Ben si en fait. J'avais quoi … Trois ans ? Maman, au détour d'une rue, tombe sur un beau brun ténébreux. Première chose qui sort de la bouche l'un de l'autre ? Leur phrase. J'étais pas là. Mais quand ils sont rentrés, papa pleurait toute sa vie. Maman est partie peu après.
Papa m'a toujours dit qu'il n'avait jamais haï maman pour ça. Moi oui. Il était pas près pour s'occuper d'un gamin tout seul mon papa. Il a essayé hein. Il a aussi essayé de recontacter maman. Mais celui qui veut maintenant absolument que je l'appelle beau-papa a toujours refusé qu'elle revienne en contact avec nous.
Pour mes seize ans, mon cadeau ça a été que papa aie un cancer. Il a fallu que j’arrête l'école. Que je trouve un travail.
Parfois, je réponds que c'est à cause d'un écharpe.
Je m'explique. Je balayais la rue le jour de mes 17 ans quand je me suis pris une écharpe dans le visage. Complètement aveuglé. J'ai juste entendu une voix féminine.
« Dis donc, tu dois être l'homme le plus chanceux toi ? »
Je m'en souviens encore. Mon cœur n'a fait qu'un tour. Ma phrase. C'était elle. Vite, trouver un truc cool à dire.
« Je sais, on me le dit souvent. »
Elle a ri. On a pris un café. Je sentais cette pression monter en moi. C'est étrange, quand on y pense. C'est cette force là qui avait poussé maman a quitter papa. Cet amour indicible. C'était elle. Oui. Pas de doute. C'était elle mon âme sœur.
Vous allez me demander le problème, non ?
Et bien le problème, c'est que j'étais visiblement pas son âme sœur. Je sais ce que vous allez me dire. C'est pas possible. Regardez moi. Mes doigts pleins de cicatrices car ils passent leur temps à se prendre dans les portes. Mon nom. C'est JUSTE. MA. PUTAIN. DE. CHANCE. Vous comprennez pourquoi je suis comme ça maintenant ?
En plus, six mois plus tard, papa est mort.
Maintenant, célibataire, travail de merde, vie de merde, chance de merde, haine contre l'univers de merde.
J'ai plus que mes chiens et le groupe de soutien pour moi.
Merde.
Toi
Je suis la raison pour laquelle on ne peut pas avoir de jolies choses.