Quelle soirée mes aïeux quelle soirée ! J’ai carrément mal aux cheveux au moment de me lever ce matin, enfin… Ce matin… Il est 15h. Où suis-je ? Visiblement dans une chambre d’hôtel. Je jette un œil à droite, à gauche, pas de jolie nana partageant ma couche, mais une demi-douzaine de gens dans le même état que moi.
Je les observe un moment, un peu bêtement, le temps d’émerger. Le fil de ma soirée se fait doucement une place dans mon esprit. Mes souvenirs se frayant une place jusqu’à une partie moins imbibée de mon cerveau, je me mets à sourire. C’était un beau mariage, celui de ma cousine. Mon oncle et ma tante ont insisté pour qu’on assiste tous les trois à la cérémonie et à la soirée en habit traditionnel. Mon père avait dû m’envoyer un kilt plusieurs semaines plus tôt, il avait réussi à en dégotter un aux couleurs du clan Murray. On pousse le détail toujours plus loin. Sérieusement, qui remarquerait ça ? Des invités je n’avais que sourires amusés, blagues machistes, et tentative de découverte d’un caleçon - ou non - et ma cousine avait clairement autre chose à penser que la couleur des rayures de ma jupette. Je me félicite cependant d’avoir évité les chaussures traditionnelles et de les avoir troquées contre des docs.
Bref, enjambant le témoin du marié toujours endormi, je file dans la salle de bain pour prendre une douche. Il n’y a que deux jeux de serviettes et de petits flacons de gel douche. Tant pis pour les derniers levés, je ne vais pas me priver d’un bon décrassage pour les beaux yeux de trois clampins endormis.
Sous l’eau chaude, je me sens revivre. En 10 minutes, je suis lavé, essuyé, j’ai les cheveux vaguement démêlés, et je m’en vais retrouver mes fringues dans la chambre qui, vu d’un œil extérieur, ressemble plus à un champ de bataille qu’à autre chose. Après m’être tapé sur les doigts en me rendant compte que mon sac de change est resté dans la salle louée pour la soirée, je repasse mes vêtements de la veille. Ça fera bien le taf le temps de rentrer à la maison et enfin pouvoir passer un jean.
Chemise blanche, gilet et veste noire, kilt bleu et vert, et enfin docs aux pieds, je quitte les lieux silencieusement pour ne pas réveiller les derniers.
Une fois dans la rue, je cherche des yeux un arrêt de bus. Non mais quelle idée d’aller nous faire dormir à Manhattan ? Je ne connais pas le quartier ! Je marche un bon quart d’heure, m’éloignant de l’hôtel, jusqu’à atterrir dans Wall Street. Je retrouve enfin mes repères lorsqu’un petit bout de femme se plante devant moi.
Mini short, chemise ne laissant que peu de place à l’imagination et cheveux flamboyants, celle-ci, elle ne passe pas inaperçu. Je hausse un sourcil en me demandant ce qu’elle me veut avant d’écarquiller les yeux en l’entendant parler. C’est ma phrase ça non ? Ce n’est pas la première fois que je l’entends depuis hier, ce kilt est un véritable aimant à « tu le porte de façon traditionnelle » de petits curieux voulant savoir si j’ai les fesses à l’air, mais c’est rarement la première chose que l’on me dit.
Même si je raconte à qui veut savoir que cette histoire de phrases me laisse tout à fait indifférent, j’avoue que ça me fait tout drôle de l’entendre sortir de la bouche d’une jeune femme que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam.
D’habitude, quand on me le demande, je réponds « Libre à toi d’aller vérifier », mais là, bouche entrouverte, je n’ai pas le temps de dire quoi que ce soit qu’elle se jette sur mon bras en me faisant des avances à peine dissimulées. Elle ne serait pas en train de me racoler ?
–Y’a pas que le sexe dans la vie…
Mais j’avoue qu’elle est bien mignonne et que prendre un peu de bon temps à ses côtés ne me déplairait pas, je me demande juste si ce n’est pas une nana dont le plaisir est le métier.
Je pose ma main sur la sienne, elle-même sur mon bras comme un poulpe attraperait sa bouffe, et la regarde depuis la bonne tête et demi que j’ai de plus qu’elle.
– Mais tu parlais bien sûr d’aller jouer aux cartes, non ? Sinon je crois qu’on peut chacun retourner de là où on vient.
Mon ton est dur, mon regard mi moqueur mi mutin. Je ne sais pas si c’est la cuite de la veille, où le fait qu’elle m’ai sorti ma phrase, mais je me comporte un peu comme un con avec elle.